Les infrastructures routières sont en général assez peu esthétiques et mal intégrées à l’environnement urbain. L’un des moyens les plus efficaces pour intégrer ces immenses masses de béton gris est assurément de les accompagner ou de carrément les recouvrir de végétaux. Voici donc quelques idées, pour le moins étonnantes, afin de végétaliser le futur pont Champlain qui sera construit prochainement. J’espère que ces idées sauront inspirer les ingénieurs et les architectes qui travaillent à la création de ce nouveau pont. Sur la photo d’introduction, on peut voir le concept d’un pont végétalisé créé par le designer italien Angelo Tomaivolo et son équipe.
Ma proposition est simple : faire du nouveau pont Champlain un jardin ! Imaginez un instant des voitures, des autobus, des bicyclettes et des piétons circulant au cœur même d’une magnifique oasis végétale suspendue au-dessus du fleuve Saint-Laurent ! Je crois qu’un pont végétalisé serait un élément architectural d’une grande puissance symbolique dont les citoyens de la grande région de Montréal pourraient être particulièrement fiers. Un tel pont permettrait aussi à notre métropole de se démarquer et d’être plus visible que jamais sur la scène internationale.
Contrairement à la croyance populaire, les arbres et les plantes n’endommagent pas les bâtiments et les infrastructures routières. Une radicelle de moins d’un millimètre de diamètre – c’est la première partie d’une racine qui entre en contact avec le milieu environnant – ne peut tout simplement pas percer un mur de béton. Il est cependant vrai que nombreuses sont les fondations de bâtiments et autres infrastructures qui sont fissurées ce qui pourrait permettre à des racines de s’y infiltrer. Mais quel serait l’avantage pour un arbre de permettre à ses racines d’explorer du béton là où il n’y a ni eau ni éléments nutritifs ? Aucun ! Au contraire, certaines études ont démontré que l’asphalte a une durée de vue supérieure (jusqu’à dix ans de plus selon certaines études) lorsqu’il est ombragé par le feuillage des arbres. Les rayons UV ainsi que la pluie et le vent ont ainsi moins d’effets néfastes sur ce matériau. De plus, les coûts d’entretien sont réduits de moitié lorsqu’un pavage est situé à l’ombre d’arbres. Les plantes réduisent également la pollution atmosphérique et améliorent la qualité de l’air aux abords des routes. En plus de capter le CO2 et de le transformer en oxygène, un seul arbre est capable de soutirer 7000 particules de suie et de poussière d’un litre d’air !
Cette idée d’un pont champlain végétalisé est grandement inspirée par un projet grandiose qui captive actuellement toute l’Angleterre. En effet, un véritable paradis flottant sera érigé d’ici quelques années au-dessus de la Tamise, ce fleuve qui coule en plein cœur de Londres. Ainsi, le gouvernement anglais vient d’octroyer quelques 30 millions de livres Sterling pour la construction du Garden Bridge. Ce pont végétalisé a été proposé par l’actrice britannique Joanna Lumley qu’on a pu voir dans la célèbre série télévisée The Avengers (Chapeau melon et bottes de cuir) ainsi que dans certains films de James Bond et de la Panthère Rose. L’actrice a d’abord lancé ce concept il y’a une quinzaine d’années suite à la mort de la princesse Diana, mais ce n’est qu’après la tenue des Jeux Olympiques de Londres que sa vision a commencé à être considérée comme une possibilité.
Le Garden Bridge (www.gardenbridgetrust.org) a été conçu par Thomas Heatherwick, créateur du fameux Cauldron pour les Jeux olympiques de Londres de 2012. Les promeneurs qui emprunteront ce pont piétonnier passeront à travers des aménagements paysagers d’aspect naturel créés par Dan Pearson. Ces aménagements composés de graminées, d’arbustes et de petits arbres ont été inspirés par les herbes et les bosquets de saules qui poussaient à une certaine époque le long des berges de la Tamise.
Une autre œuvre paysagère est également fort inspirante, soit la fameuse High Line (www.thehighline.org) située dans Manhattan à New-York. Il s’agit d’un parc urbain suspendu aménagé sur une portion désaffectée des anciennes voies ferrées aériennes longue d’un peu plus de 2 kilomètres. Sous le mandat de Rudolph Giuliani, l’administration municipale projetait la démolition de cette voie ferrée. Mais en 1999 Joshua David et Robert Hammond, deux résidents du quartier où passe cette voie, fondèrent une association appelée Friends of the High Line dans le but de sauver cette structure et de lui donner une seconde vie. Ils suggèrent alors d’y construire un parc urbain suspendu ressemblant à la Promenade plantée de Paris – un espace vert aménagé sur le tracé d’une ancienne voie ferroviaire qui s’étend de la place de la Bastille jusqu’au boulevard périphérique dans le 12e arrondissement. Forts de la mobilisation des habitants du quartier, l’association obtient le soutien du nouveau maire, Michael Bloomberg, et en 2004 le financement de la ville est attribué au projet. La première des trois sections de cet espace vert a été inaugurée en 2009.
Ce projet a contribué à une sorte de renaissance de ce quartier de New-York. En plus d’être devenue la fierté des citoyens, qui le fréquentent assidument, la High Line a permis un essor économique important du quartier, favorisant la construction de dizaines de commerces et de projets immobiliers à proximité du parc suspendu. D’autre part, la criminalité est extrêmement faible dans le parc. On rapporte bien quelques infractions aux règles, tels que la présence de chiens ou de vélos, mais à un taux inférieur à celui observé dans le Central Park. Considérée comme un symbole et un catalyseur, la High Line a encouragé les élus d’autres villes américaines à proposer à leurs citoyens des projets semblables.